En 2020, un quart de la population française suivaient les schémas végétarien, végane ou flexitarien en réduisant ou en supprimant la part des protéines d’origine animale. Le refus de la maltraitance animale, la conscience de l’impact positif sur la santé, un budget limité et/ou une démarche écologique sont les moteurs de ces modèles alimentaires.
En termes de bénéfices sur la santé, favoriser « l’arc-en-ciel dans l’assiette » avec des végétaux colorés – sources d’anti-oxydants, vitamines, minéraux, fibres – et limiter la viande, les charcuteries et les laitages, réduit le risque de nombreuses maladies dites de civilisation : diabète, maladies cardio-vasculaires et certains cancers.
Toutefois, comme pour toute éviction de grandes catégories d’aliments , l’évolution à long terme peut s’avérer incertaine. Notamment en ce qui concerne le mental et la combattivité dont le ralentissement a fait l’objet de cet article et par suite d’un manque de protéines animales.
Dans ce nouveau chapitre, un point de vigilance est approfondi: comment s’assurer des apports suffisants en protéines dans une diète centrée sur les végétaux ? Quels pièges éviter ? Tout d’abord précisons le niveau de présence des sources animales de protéines dans l’alimentation avec quelques définitions.
Définition « des » végétarismes
La notion de végétarisme recouvre plusieurs modèles. Il est préférable de préciser si les produits de la mer, les œufs et les produits laitiers figurent ou non dans les menus. L’illustration ci-dessus présente la variété des schémas possibles autour du végétal et des protéines animales.
Le végétalisme (versant alimentaire du véganisme) exclut tous les produits d’origine animale ou issus de l’exploitation animale (œufs, produits de la ruche par exemple).
Le flexitarisme (non représenté) consiste à naviguer entre omnivorisme et végétalisme selon les repas afin de limiter l’apport animal. Si centrer son alimentation sur le végétal est bénéfique, retirer une majorité voire la totalité des produits animaux peut amener des désagréments dont un faible apport en protéines.
L’apport protéique décrypté…
Les protéines alimentaires apportent une 20aine d’acides aminés (AA) utilisés tels des « briques » par l’organisme pour fabriquer nos propres protéines structurelles (muscles, peau, ossature, ligaments..) et fonctionnelles (hormones, enzymes, neurotransmetteurs..). Les protéines alimentaires passent par l’étapes de la digestion pour être décomposées en AA par les enzymes digestives. Puis les AA sont réassemblés selon nos programmes génétiques humains.
Contrairement aux lipides et aux glucides, les acides aminés ne bénéficient d’aucun lieu de stockage dédié dans le corps. En cas de carence en acides aminés, le corps ira les puiser dans nos muscles en détricotant nos propres protéines afin de couvrir les besoins localisés ailleurs dans le corps.
Si les apports de protéines alimentaires ne sont pas suffisants, il s’ensuivra donc une fonte musculaire proportionnelle à l’ampleur et la durée du déficit. Cette carence peut se décrire de 2 façons :
… sous l’angle qualitatif
Même si l’alimentation végétarienne apporte mille et une saveurs et bénéfices cités plus haut, chez le végétalien voire chez le végétarien, il existe effectivement un risque qualitatif d’insuffisance d’apport en certains AA essentiels. Les AA dits essentiels sont ceux indispensables au bon fonctionnement de l’organisme mais celui-ci ne peut les synthétiser.
En cas de manque de certains AA essentiels, la fonte musculaire compensera les apports trop faibles. Mais à terme, d’autres signes évocateurs tels qu’un mauvais moral, un manque de motivation, une irritabilité, une tendance aux addictions, des sauts d’humeur… indiquent un manque en méthionine, tryptophane, leucine, des AA essentiels moins représentés en proportion dans l’alimentation végétale que dans les aliments d’origine animale.
L’une des 2 stratégies typiquement utilisées pour assurer un apport protéique de qualité est de combiner céréales et légumineuses sur la même journée (pas forcément aux mêmes repas) afin de compenser le manque relatif en certains AA essentiels de ces 2 familles d’aliments.
En effet, les céréales contiennent peu de lysine et d’isoleucine alors que les légumineuses n’ont pas ce problème. A l’inverse les légumineuses sont pauvres en méthionine et tryptophane qui sont retrouvés en en proportion suffisante dans les céréales.
Historiquement les associations suivantes ont donc fait leur preuve à travers le monde quand les sources animales venaient à manquer. Ces combinaisons sont d’ailleurs autant d’inspirations aujourd’hui pour manger végétarien ou végétalien.
- Blé + pois chiche sur la rive Sud de la Méditerranée.
- Riz + lentilles ou haricots mungo en Inde
- Riz + soja en Asie orientale
- Riz+ haricots rouges en Louisiane
- Avoine + pois en Europe du Nord
- Millet ou sorgho + haricots en Afrique
La 2ème stratégie à suivre pour apporter la variété d’AA essentiels est de faire appel au soja, au quinoa, à l’amarante, et aux graines de chia qui sont des sources de protéines végétales au profil aussi qualitatif que celui des viandes ou du poisson.
… sous l’angle quantitatif :
Si ces 2 stratégies sont valables en termes qualitatifs, il faut tout de même consommer ces aliments suffisamment pour ingérer assez de protéines.
Au minimum, l’apport en protéines doit être de 0,87 grammes par kilo de poids de l’individu. Par exemple une personne de 60kg dans la fleur de l’âge, sédentaire ou ayant une activité physique modérée, nécessitera au minimum l’équivalent de 52 grammes de protéines sur la journée. Ce quota est à augmenter selon le niveau d’activité physique et l’avancée en âge.
Nous parlons ici de poids de protéines pures, et non du poids en aliments sources de protéines. Par exemple, pour une assiette composée de 150g de lentilles vertes cuites associées à 150g de riz semi-complet cuit, l’apport sera d’environ 20 g de protéines. Il faudra donc aller chercher des protéines ailleurs sur la journée pour presque tripler cette quantité.
Par conséquent, Il est tout à fait possible d’obtenir sa ration de protéines sur la journée. MAIS c’est là que le bât blesse bien souvent:
- En pratique la part de glucides et fibres dans l’assiette d’un végétarien ou végétalien est généralement trop forte (il devrait être autour de 50-55% de l’apport calorique mais se retrouve parfois à 65-70%). Outre le détournement de la tyrosine cité dans cet article quand la part des glucides est trop forte, la paroi intestinale peut s’irriter avec la surconsommation de fibres, et induire un surdéveloppement des bactéries dites de fermentation (voir cet autre article pour des informations sur la dysbiose de fermentation). Certains végétariens s’orientent donc vers un modèle cétogène végétalien dont l’effet toutefois sur le long terme reste peu étudié.
- Si la notion d’indice glycémique est mal maîtrisée, le corps prend de la masse grasse, d’autant plus que le manque de carnitine (de source principalement animale) dans les végétaux ne peut assurer une bonne combustion des graisses. Ce qui augmente la prise de masse grasse.
- Les protéines végétales seraient moins bien assimilées que les protéines animales (notion de score DIAAS reconnu par la FAO quoique discutée par certains, Wolfe R. et al. 2016). Il faudrait donc viser plus que 0,87 grammes de protéines végétales par kilo de poids.
Les pièges à éviter dans le calcul de l’apport protéique
1/ s’il on se réfère aux tables de composition des aliments (par exemple https://ciqual.anses.fr/), il est important de vérifier s’il on parle de produits CUITS ou CRUS. Par exemple il y a environ 3 fois moins de protéines dans 100g de légumineuses cuites que 100g crues. Si des légumineuses ou céréales sont affichées contenir 15-20g de protéines pour 100g d’aliment, il s’agit de 100g d’aliment CRU (hors soja et ses dérivés).
2/ Il est intéressant de faire l’exercice de l’apport protéique sur par exemple 2-3 journées types pour évaluer en ordres de grandeur les quantités d’aliments nécessaire pour atteindre son quota de protéines. Mais en dehors de certaines pathologies accompagnées en diététique, il est déconseillé de peser continuellement ses aliments au risque d’engendrer des troubles du comportement alimentaire.
3/ Par exemple où trouver 20g de protéines dans les sources végétales:
- 150g de tofu ferme
- 100g de tempeh (soja fermenté)
- 400g de quinoa cuit
- 200g de lentilles vertes cuites
- 250g de pois chiche cuits
- 80g de graines de courges ou chanvre
- 90g d’amandes
- 130g de noisettes
Dans les sources animales :
- 80g de poisson frais
- 70g de poulet
- 80g de bœuf
- 2 à 3 oeufs selon la taille
- 3 yaourts
- 80g de comté
Les œufs et l’hypersensibilité à l’ovalbumine…
Pour les ovo-végétariens, les œufs de poule représentent une bonne source de protéines et de vitamine B12. Ils seront consommés de préférence le matin en accord avec la chrononutrition.
Miser ses apports protéiques essentiellement sur les œufs certains jours est une bonne idée.
Toutefois l’ovalbumine contenue dans le blanc d’œuf est problématique. Elle fait partie – avec le gluten et la caséine bovine – du top3 des protéines causes d’hypersensibilités alimentaires. Autrement dit, une consommation trop régulière d’œufs peut amener des troubles tels que des douleurs intestinales, des maux de tête, de l’eczéma, des infections ORL, le nez qui coule…
Il est donc conseillé en général de modérer sa consommation d’œufs (en moyenne 3-4 par semaine, mais ce pourrait être davantage si bien tolérés).
Les produits laitiers et les graisses pathogènes…
Chez les lacto-végétariens, miser quotidiennement sur les produits laitiers pour assurer la majorité de l’apport protéique créé un terrain métabolique pro-inflammatoire. En effet, les produits laitiers sont riches en graisses saturées et en oméga 6. Les parois cellulaires des globules blancs copieusement enrichies en oméga 6 sur-réagissent alors aux facteurs inflammatoires. Ce qui fait par exemple le lit des allergies, des réactions associées (asthme / eczéma), des tendinites à répétition. Les bactéries pathogènes et les cellules infectées par les virus sont quant à elles moins facilement détruites par notre système immunitaire. Pour ces différentes raisons les produits laitiers sont donc à consommer de façon modérée, en allant chercher le calcium également dans les amandes, le brocolis, les choux, les sardines avec arrêtes, les laits végétaux enrichis en calcium.
Conclusion
Avoir les bons apports protéiques quotidiennement chez le.la végétarien.ne tout en variant ses repas, limitant les œufs et les produits laitiers, est une équation difficile à résoudre. Quelques clés ont été données pour être en mesure de relever le défi et rééquilibrer l’apport.
Suivre le modèle végétarien et végétalien tout en restant en bonne santé sur le long terme est bien sur possible lorsque la diète est bien menée, en faisant appel aux compléments alimentaires, et avec une base de connaissances en nutrition. Quand leur consommation est possible, les protéines animales retenues seront de qualité : idéalement celles issues d’une filière « oméga 3 » type « bleu blanc cœur », si possible bio.
Aucun modèle à restriction n’est universel et convient à tous. Le végétarisme et le végétalisme ne font pas exception, et peuvent ainsi convenir ou ne pas convenir sur le long terme à certaines personnes.
En revanche, la complémentation s’avère indispensable chez le.la végétalien.ne voire également chez le.la végétarien.ne. La complémentation peut être optimisée et personnalisée grâce à l’accompagnement en micronutrition. Ajuster l’alimentation reste la priorité en misant sur une haute densité nutritionnelle, des indices glycémiques bas, et de bonnes matières grasses.